France 2025 — Quand le management de transition devient la première victime de la transition politique

Le management de transition, ce métier né pour stabiliser les entreprises en turbulence, se retrouve aujourd’hui pris dans la tourmente du plus grand désordre économique et politique que la France ait connu depuis vingt ans.

Ironie amère : les managers qui sauvent les entreprises sont à leur tour menacés par une politique qui ne sait plus sauver un pays.

Un métier qui sert de thermomètre économique

Le management de transition est un excellent indicateur de la santé d’un pays.

Quand l’économie ralentit, les entreprises font appel à des experts capables de gérer une crise, d’accélérer une restructuration, de piloter un projet stratégique ou de remplacer au pied levé un dirigeant.

Mais quand la crise devient systémique, que les directions générales n’ont plus de visibilité, les missions s’évaporent.

C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui.

Depuis l’été 2025, les appels à mission chutent de 30 à 40 % selon les cabinets.

Les projets IT sont gelés, les budgets transformation suspendus, les fusions reportées.

Les DAF verrouillent la dépense, les DG temporisent.

Le marché s’est figé.

Non pas par manque de besoins, mais par paralysie politique.

La crise silencieuse de la fiscalité déguisée

Le budget 2026 est l’exemple parfait d’un pays dirigé à la petite semaine.

Sous prétexte d’“équilibre”, le gouvernement a choisi de taxer sans le dire.

On gèle les tranches d’imposition, on revalorise mal les barèmes, on supprime des niches.

On augmente la taxe foncière, les tarifs de l’énergie, les cotisations de mutuelle.

Résultat : le contribuable paie plus, mais sans qu’aucun ministre n’ait à prononcer le mot “impôt”.

Les politiques jurent qu’ils n’ont pas augmenté la fiscalité — et ils ont raison techniquement.

Mais le portefeuille, lui, ment rarement.

Chaque foyer, chaque PME, chaque indépendant ressent la même asphyxie.

Et les entreprises, étranglées par la hausse des charges et la baisse de la consommation, coupent ce qui dépasse : consultants, managers, experts externes.

Le management de transition, pourtant outil de redressement, devient une dépense à éliminer.

Les alliances de couloirs : l’économie en otage

Pendant que les budgets s’effondrent, le pouvoir politique, lui, joue à la survie.

Les macronistes, les centristes, les républicains résiduels et une partie de la gauche parlementaire se livrent à un ballet hypocrite pour éviter la dissolution.

On suspend les réformes impopulaires, on promet des crédits à telle région, on ferme les yeux sur les déficits… tout plutôt que de retourner devant les électeurs.

C’est le grand troc de la Ve République finissante :

“Je t’évite la dissolution, tu m’épargnes une motion de censure.”

Mais à force de compromissions, le pouvoir a perdu toute cohérence.

Il ne gouverne plus : il gère son maintien.

Et pendant que Paris trafique les équilibres, les entreprises, elles, ne savent plus où donner de la tête.

Chaque semaine, les règles changent, les signaux se contredisent, la fiscalité bouge au gré des arbitrages internes à Bercy.

Aucun directeur général ne lance un projet majeur dans un tel brouillard.

Et donc, aucun n’embauche de manager de transition.

Quand la peur du risque devient la norme

Le management de transition repose sur une idée simple : injecter de la compétence temporaire pour réduire le risque.

Mais en 2025, le risque, c’est le système lui-même.

Les directions d’entreprises n’ont plus peur de l’échec d’un projet : elles ont peur d’un changement politique, d’une loi surprise, d’une taxe soudaine.

Elles n’investissent plus.

Elles conservent leurs cadres épuisés, évitent les départs, internalisent les missions.

Le court terme a remplacé la stratégie.

On parle de “gestion prudente”, mais c’est de la peur pure.

Et la peur, dans l’économie, agit comme un poison lent.

Elle paralyse d’abord les décisions, puis les investissements, puis les emplois.

Des TJM à la baisse, des missions écourtées, un marché sous anesthésie

Les managers de transition le constatent :

Les TJM baissent de 10 à 25 %. Les missions sont plus courtes : 4 à 6 mois au lieu de 9 ou 12. Le délai de décision explose : 8 à 10 semaines pour signer un contrat.

Même les grands cabinets, jadis débordés de demandes, affichent des carnets de commandes en creux.

Et les indépendants, eux, voient s’allonger les inter-missions.

Le plus cynique ?

Les grands groupes continuent d’annoncer des plans de transformation, mais sans les financer réellement.

Tout est dans la communication, rien dans l’action.

Les managers de transition deviennent alors les variables d’ajustement de la crédibilité managériale : on en parle, on en recrute un pour la forme, puis on suspend tout.

Les rares niches encore vivantes

Tout n’est pas mort, mais le marché se polarise.

Trois domaines résistent encore :

Cyber et conformité : la peur du piratage et la pression réglementaire maintiennent la demande. Restructurations : la hausse des défaillances d’entreprises crée des missions de redressement express. Carve-out / One IT : les groupes multi-entités rationalisent leurs systèmes pour réduire les coûts.

Mais ces segments sont saturés.

Les profils se battent sur les mêmes missions.

Le marché, au lieu de se diversifier, s’est refermé sur lui-même.

Le mensonge collectif : “Tout va bien, on gère”

Ce qui tue le marché, ce n’est pas la crise, c’est le déni politique.

Les dirigeants de l’État refusent d’assumer la gravité de la situation.

Ils parlent de croissance “modérée”, d’“ajustements budgétaires”, de “dialogue avec les partenaires sociaux”.

Mais sur le terrain, les carnets se vident, les budgets se réduisent, les projets sont à l’arrêt.

Les Français n’attendent plus rien des politiques.

Et les entreprises, lucides, se replient sur elles-mêmes.

Ce déni collectif, cette façon de repeindre les fissures en vert pastel, est peut-être la pire des trahisons.

Car à force de mentir sur la réalité, on finit par tuer l’envie d’agir.

Et un pays sans envie d’agir, c’est un pays qui s’effondre lentement — mais sûrement.

Une classe politique déconnectée du réel

Le contraste est insupportable.

D’un côté, des dirigeants qui parlent de “trajectoire budgétaire”, d’“équilibre durable”.

De l’autre, des dirigeants d’entreprises qui ne savent même plus si leur plan de financement tiendra trois mois.

Les politiques jouent au pompier pyromane : ils mettent le feu à la confiance, puis prétendent l’éteindre à coup de subventions et de discours technos.

Chaque mesure nouvelle est censée “rassurer les marchés” — jamais les citoyens.

On gouverne pour les agences de notation, pas pour les gens.

Le résultat, c’est un pays à deux vitesses :

les technocrates qui comptent les milliards, et les entrepreneurs qui comptent les jours.

Le symbole d’une époque : quand même les “stabilisateurs” vacillent

Le management de transition est né pour stabiliser ce qui chancelle.

Quand même ces professionnels de la maîtrise et de la méthode se retrouvent eux-mêmes déstabilisés, cela en dit long sur l’état du système.

La France 2025 n’est pas en crise : elle est en fatigue structurelle.

Une fatigue politique, économique et morale.

Et dans cette fatigue, les dirigeants politiques préfèrent encore l’immobilisme à la lucidité.

Ils évitent la dissolution, mais dissolvent le réel.

Ils ne gouvernent plus, ils temporisent.

Ils gèlent les budgets, les réformes, les débats — tout ce qui pourrait faire bouger les lignes.

Conclusion : la transition avant la rupture

Le management de transition n’est qu’un symptôme.

Le véritable diagnostic est plus grave : la France est devenue une économie sans cap, prisonnière de ses compromis politiques.

Tant que les dirigeants continueront à confondre gouverner et se maintenir,

tant qu’ils feront passer la peur du RN avant la confiance du peuple,

tant qu’ils penseront que “tenir” vaut mieux que “agir”,

le pays continuera à s’enfoncer dans une stagnation molle, déguisée en stabilité.

Et les managers de transition, comme tant d’autres, continueront à payer les erreurs d’une classe politique qui n’a plus de vision — seulement un calendrier électoral.


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